Acculturation des Francs en Orient selon Foucher de Chartres
Acculturation des Francs en Orient selon Foucher de Chartres
« Nous qui étions Occidentaux, nous sommes devenus Orientaux; celui qui était Romain ou Franc est devenu Galiléen ou Palestinien, l’habitant de Chartres ou de Reims, Tyrien ou Antiochien. Nous avons oublié les lieux de notre origine; plusieurs d'entre nous les ignorent ou même n’en ont jamais entendu parler. Un tel possède ici des maisons en propre et des domestiques comme par droit d’héritage, tel autre a épousé une femme non parmi ses compatriotes, mais Syrienne, Arménienne, parfois même une Sarrasine baptisée. Un autre a beau-père, belle-mère, gendre, descendance, parenté. Celui-ci à des petits-enfants et neveux. Celui-ci possède des vignes, celui-là des champs. On se sert alternativement des diverses langues du pays et les langues jadis parlées à l'exclusion les unes des autres sont devenues communes à tous et la confiance rapproche les races les plus éloignées. La parole de l’Écriture se vérifie: ‘Le lion et le bœuf mangeront au même râtelier.’ Le colon est maintenant devenu presque un indigène; qui était étranger s’assimile à l'habitant.
Chaque jour, des parents et des amis viennent d'Occident nous rejoindre. Ils n'hésitent pas à abandonner là-bas tout ce qu'ils possédaient; car, ceux qui étaient là-bas pauvres, Dieu ici les a rendus riches. Celui qui n'avait que quelques deniers possède ici des trésors. Tel qui chez lui ne jouissait même pas d'une terre possède ici une ville: pourquoi retournerait-il en Occident, celui qui en Orient a trouvé une telle fortune? »
Traduction dans R. Delort (éd.), Les croisades, Paris, Seuil, 1988, p. 263.
source: http://pages.usherbrooke.ca/croisades/sources1.htm#autres2