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Carnet d'une voyageuse en Terre Sainte
29 octobre 2007

Voie régordane

La voie Regordane est le tronçon cévenol de la route qui relie l’Île-de-France au Bas Languedoc. Son essor se situe vers 843, date où le traité de Verdun divise en trois l’Empire carolingien. Le chemin de Regordane devient alors l’itinéraire le plus oriental du royaume conduisant au port de Saint-Gilles. C’est d’ailleurs au cours du IXe siècle que Portes choisit saint Gilles comme patron, en souvenir d’un miracle qu’il aurait fait en y passant.

Du XIIe au XIIIe siècle, avec l’essor des villes, le chemin de Regordane est réaménagé : chaussées pavées, construction de ponts. Le trafic augmente, les péages sont devenus d’un excellent rapport. La seigneurie de Portes se situe à l’entrée des Cévennes et constitue un point de passage obligé.

Mais le traité de 1308 repousse les frontières jusqu’au Rhône. C’est alors la fin de « l’âge d’or » du chemin, les voyageurs préférant le sillon rhodanien. Par ailleurs, le climat devient plus humide au XIVe siècle. La voie, peu entretenue disparaît peu à peu.

Le chemin connaît un regain d’intérêt au XVIIIe siècle jusqu’à la construction de la route nouvelle au XIXe siècle.

Aujourd’hui, la route D906 et une partie du tronçon du chemin de fer suivent de près cette voie ancienne. Les randonneurs ont aujourd'hui remplacé les marchands et la Régordane est devenu depuis 2007 le GR 700 qui est balisé depuis Le Puy-en-Velay à Saint-Gilles-du-Gard.

Attention! la Régordane et le GR 700 ne suivent pas le même chemin. Avec le GR 700, La fédération française de randonnée pédestre (FFRP) lance sa propre version du Chemin de Régordane qui est adapté à la marche en groupe et au vélo et donc perdra beaucoup en authenticité.

Ce chemin dit chemin de la Régordane ou chemin de Saint Gilles (GR700), passe par la Haute-Loire, l'Ardèche, la Lozère et le Gard. Il traverse le Massif Central et les Cévennes sur 242km en passant par Bizac, Costaros, La Sauvetat, Pradelles, Langogne, Luc, La Bastide Puylaurent, Prévenchères, La Garde Guérin, Villefort, St André Capcèze, Concoules, Génolhac, Chamborigaud, Portes, Le Pradel, St Martin de Valgalgues, Alès, St Hilaire de Brethmas, Vézénobres, Ners, Boucoiran, St Geniès de Malgoirès, La Rouvière, La Calmette, Nîmes, Bouillargues, Garons et St Gilles.

regordane

 

GR700

Randonnée sur le GR700 Voie Régordane ou Chemin de St Gilles de l'Auvergne au Languedoc

Le village de La Bastide Puylaurent est traversé par le GR700 Voie Régordane, le tronçon cévenol de l'ancienne route de France (entendez Ile-de-France) au bas Languedoc. Cette voie très ancienne est née bien avant l'apparition de l'homme après qu'une dislocation nord-sud avec charriage des plaques ait ouvert des cols et, en particulier, le plus important d'entre eux, celui qui au sud de Villefort ouvre un passage à basse altitude au travers d'une barrière de 60 kilomètres de long formé par le Mont Lozère et le chaînon du Mas de l'Aire.

La faille a été génératrice de sources nombreuses qui la jalonnent. Les premiers animaux du monde l'ont instinctivement empruntée, de source en source, de col en col, dans un mouvement spontané de transhumance.

L'homme a suivi les animaux, des millénaires plus tard, en créant une draille, une simple piste. Certains pensent, non sans raison, que des convois d'étain l'ont empruntée entre les ports phéniciens de Saint-Valéry-en-Caux, en Normandie, et de Saint-Gilles.

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Les Romains l'ont sans doute suivie pour charrier les métaux qu'on extrayait de part et d'autre dans des lieux dédiés au dieu du commerce et de l'industrie, Mercoire, Mercoirol, Mercouly. Mais ce n'était pas encore un axe majeur comme il le devint au Moyen Age, après le partage de l'Empire carolingien qui place la vallée du Rhône dans l'Empire germanique et fait du Chemin de Régordane l'itinéraire le plus oriental du Royaume.

C'est à cette époque (XIIe-XIIIe siècles) que le charroi se développe en raison des progrès de l'attelage obtenus lorsqu'on réalise que c'est par leur poids que tirent les animaux (comme l'homme, d'ailleurs) et non, comme on peut le lire dans les manuels scolaires, en raison de la découverte de la traction par les épaules que les égyptiens pratiquaient au temps de Toutankhamon, quatorze siècles avant J.-C.

On trace alors la route sur les hauts plateaux du Thort, de la Molette et de la Garde-Guérin en Lozère. On la taille dans le schiste sur les versants des vallées de la Cèze. Dans les villages, on bâtit des maisons sur de vastes entrepôts qui s'ouvrent sur la grande rue par des portes en ogives dont on peut voir des vestiges à Génolhac dans le Gard. Des véhicules, de petite taille et ne portant guère plus de 500 kilogrammes en raison des matériaux employés pour les construire, y circulent.

Une chanson de geste, le Charroi de Nîmes, dans la seconde moitié du XIIe siècle, évoque ce pays de Régordane où il y a "des chars et des charrettes à profusion", char et charretes i a à grant planté (v.950).

S'il en est ainsi c'est qu'en cette période, le climat, semblable à celui que nous connaissons, est favorable à la pousse des végétaux. Les récoltes sont abondantes et que se créent des richesses qui doivent circuler. C'est une époque prospère qui s'offre le luxe de bâtir des cathédrales que nous serions bien en peine d'ébaucher. Sans le schiste, des charrettes à la voie de 1,40 mètre creusent des ornières par leur passage cent fois répété, comme ces sabots de bois qui finissent par user la pierre du seuil de la maison.

Mais le climat change au XIVe siècle et devient froid et humide. La nourriture devient rare et la population affaiblie est réduite de moitié par la peste cependant que la guerre de Cent Ans dévaste le pays. Le charroi s'interrompt et la route se dégrade. Le Chemin de Régordane ne voit plus circuler que des convois de mulets dont certains, chargés d'argent ou de safran, sont dévalisés par les Routiers anglais.


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Il faut attendre la fin du XVIIe siècle, et, sans doute, l'attention que le Roi porte aux Cévennes protestantes, pour que le Chemin de Régordane reprenne vie. La route est plusieurs fois aménagée, construite, détruite par les eaux de ruissellement, réparée ou même reconstruite car, dans ces montagnes offertes au Midi, les orages du début de l'automne ont tôt fait d'arracher la grave, le tout-venant, dont on recouvre alors la chaussée.

La Côte de Bayard, entre Villefort et la Garde-Guérin, doit être rebâtie tous les dix ans. D'abord, elle s'élève à la verticale du village de Bayard, toute en lacets, comme une échelle précise le procès-verbal de visite. Au milieu du XVIIIe siècle, on abandonne ce chemin difficile, pour une route entièrement nouvelle qui prend en écharpe le versant qui retombe depuis la Cham Morte : c'est le vieux chemin qu'on emprunte encore aujourd'hui, bien délabré, avec un reste de pavé que certains disent "romain" bien qu'il ait été posé sous le Ier Empire !

Des charrettes, plus étroites que celles du Moyen Age, copiées sur celles du Velay, roulent de nouveau sur le sentier de Régordane et y creusent des ornières à la voie de 1,20 mètre.

Au cours du XIXe siècle, on construit la route actuelle, toute en courbes (il y a peu de temps, nous avions compté 650 virages d'Alès à Pradelles en Haute-Loire) pour adoucir les pentes et permettre aux chevaux des diligences de marcher au trot. Nos puissantes voitures doivent s'en accommoder !

Au fil du temps, la route se déplace. Il reste des points fixes, des cols qu'on ne peut éviter. Mais entre ceux-ci, la route passe tantôt ici, tantôt là. Comme ces fils téléphoniques qui demeurent attachés aux isolateurs mais se balancent au gré du vent.

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Cependant, cette route n'a pas été qu'une simple artère commerciale. Pendant des siècles, elle draine les pèlerins qui, du "nord" descendent vénérer le tombeau de saint Gilles dans son abbatiale provençale, au sud de Nîmes. La littérature médiévale révèle l'importance de ce sanctuaire et la place qu'il occupe dans celle-ci le désigne comme le premier pèlerinage de notre pays.

Saint Gilles est loué comme le seul saint qui ne fait jamais défaut à celui qui l'invoque avec foi. On s'y presse donc, en si grand nombre que 134 changeurs de monnaie trouvent à subsister. A Saint-Gilles, on trouve aussi à s'embarquer vers Rome et Jérusalem, car c'est un port de mer florissant, sur le Petit Rhône, qui ne sera détrôné que par Aigues-Mortes, après 1240, en attendant que Marseille devienne française au XVe siècle. Si Saint-Gilles a été une étape sur une route de pèlerinage, c'est bien sur celle de la Terre Sainte, bien plus que sur celle de Compostelle car on ne connaît pas de Jacquaire qui se soit attardé sur le tombeau de l'ermite à la biche.

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Enfin, cette route a un nom : c'est le Chemin de Régordane (c'est l'expression par laquelle on le désigne dans les anciens documents ; l'appellation impropre de Voie Régordane - pour faire "romain" - n'apparaît qu'au XXe siècle). Elle tient ce nom du pays de Régordane qu'elle traverse, tout comme le Chemin de Forez prend le sien des montagnes qui l'entourent. Ce pays, et même cette province -provincia de Regordana en 1323 dans un acte du château de Portes-, correspondrait approximativement au territoire qui s'étend entre les villes d'Alès en Cévennes, Chamborigaud, Pradelles et Largentière.

Son nom, apparenté à gord, gourd, fréquent dans tout notre pays, désignerait un pays de vallées profondes ce qui correspond bien à sa réalité physique. Aussi, le Chemin de Régordane n'est désigné sous ce nom, dans les documents consultés, qu'entre Luc et Alès.

Voilà, l'histoire de ce chemin prestigieux qu'on ne peut résumer en quelques lignes et qu'on trouvera développée ailleurs. Aujourd'hui la route est assoupie depuis plus de cent ans, comme la Belle au Bois Dormant : Régordane n'a-t-il pas été aussi un nom de femme !

Il vous appartient de devenir son prince charmant et de l'éveiller, suivez-la en étant attentif à ses vestiges, à la beauté des paysages qu'elle traverse et qui changent à mesure que, du Puy en Velay à Alès, on perd en altitude.

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Guettez l'apparition des premiers châtaigniers sous la Garde-Guérin, des chênes verts en abordant la vallée de la Cèze, des premiers ceps de vigne à Vielvic, des oliviers en passant le col du Mas-Dieu, et bien d'autres choses encore.

Soyez attentif à lire ses vestiges, ses ornières creusées dans le schiste, sa Côte Bayard dont les murs de soutènement montés à pierre sèche résistent depuis deux siècles, avec ses bouteroues (les ancêtres de nos glissières de sécurité) et ses beaux restes de pavage.

Alors, prenez votre bâton, votre sac et partez à la découverte du Chemin de Régordane. Texte préparé par Marcel Girault, juillet 2000

Le Chemin de Régordane. Nîmes, Lacour, 3e éd. 1988.- Les passionnés d'histoire pourront lire la thèse que l'auteur a consacrée à cette route (Tours, 1980).

Le tronçon le plus intéressant du Chemin de Régordane se situe entre La Bastide Puylaurent et Génolhac (à découvrir dans ce sens). Pour parcourir cette route prestigieuse sans se perdre, on pourra se référer au guide préparé par Marcel Girault, Le Chemin de Régordane, Guide à l'usage des pèlerins de Saint-Gilles, des Régourdiers et autres marcheurs, du Puy-en-Velay à Saint-Gilles du Gard. Nîmes, Lacour, 1998 : description de l'itinéraire, cartes schématiques et notes.

Elle s'est endormie, ou plus précisément assoupie... La parcourir, c'est lui redonner la vie car sa vocation, c'était le cheminement. Celui des marchands arvernes et grecs. Celui des chevaliers, des pèlerins, des colporteurs. Des jongleurs et des troubadours. Route du vin, des épices, du simple sel comme de l'huile et des fromages. Mais aussi route "stratégique" de l'étain vers la Méditerranée. De la chevalerie franque en marche contre les sarrasin.

Du moine en pèlerinage vers Saint Gilles et peut-être l'Orient. Un sentier d'étoiles dans la voie lactée du voyage que fut le Moyen-Âge.

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Le voyage du prêtre Aulanier du Brignon sur le GR700 Voie Régordane au XVIIe siècle.
16 november 1644 : de bon matin (départ) pour le voyage de Nisme en Languedoc disner à Pradelles où despensé 16 sols ; à Pranlas un picotin pour ma cavale et collation : 5 sols 6 deniers et souper et coucher à la Bastide, 23 sols.
17 november : partis à l'aube du jour de la Bastide, fus disner à Villefort au logis des trois rois, despensé 17 sols 6 deniers ; collation et picotin à Genolhac, 4 sols 6 deniers ; souper et coucher au Pradel chez le logis appelé Fornier, despensé 19 sols 9 deniers.
18 november : parti du Pradel au lever du jour, l'Abbé Aulanier dîne à la Lège d'Alais où il dépense 23 sols 3 deniers pour lui et son cheval ; il fait collation et donne l'avoine à la Barraque de la Bitarelle où 9 sols 6 deniers sont dépensés ; et enfin il arrive pour souper et coucher à Nismes ce qui lui coûte 25 sols 9 deniers compris 2 sols au port.

P. Grelet de la Deyte, à la fin du XVIIe siècle, a fait deux voyages entre le Puy et Montperlier:
« Jey fait deux voyages en la ville de Montpellier … savoir au mois de juin de l'année 1681 et l'autre au mois de janvier 1692. Pour y aller il faut passer du Puy à Bisac, à Costerot, à la Sauvetat, à Pradelles, à Langonhe, à Luc, à Pranla, à Regletout, à la chapelle Saint Thomas, au Tord, à la Molete, à la Garde Guérin, à Bayard, à Villefort, à Viluy, à Genoulhac, à Chamber Rigau, à Porte, au Pradel, au Maviau, à Saint Martin, à la ville d'Allex, à la Taverne, auquel lieu il faut passer la rivière du Gardon, à Ladinghan, à Crepian et à la chapelle, à la ville de Soumiere, à Formaingnhe, au Pont Neuf et à Montpellier. D'icy à Montpellier il y a environ 35 lieux. »  PAYRARD, J.B. Petites éphémérides vellaviennes. 1889, Le Puy. " Le livre de raison de Louis Jouve " dans Bulletin historique et scientifique de l'Auvergne. Tome XXXIII, n°603, 1964.


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Source : http://www.gr700-regordane.com/voie-regordane.htm

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