Voie régordane
La voie Regordane est le
tronçon cévenol de la route qui relie l’Île-de-France
au Bas Languedoc. Son essor se situe vers 843, date où le traité de Verdun
divise en trois l’Empire carolingien. Le chemin de Regordane devient alors
l’itinéraire le plus oriental du royaume conduisant au port de Saint-Gilles.
C’est d’ailleurs au cours du IXe
siècle que Portes choisit saint Gilles comme patron, en souvenir d’un miracle
qu’il aurait fait en y passant.
Du XIIe
au XIIIe
siècle, avec l’essor des villes, le chemin de Regordane est réaménagé :
chaussées pavées, construction de ponts. Le trafic augmente, les péages sont
devenus d’un excellent rapport. La seigneurie de Portes se situe à l’entrée des
Cévennes et constitue un point de passage obligé.
Mais le traité de 1308 repousse les frontières
jusqu’au Rhône. C’est alors la fin de « l’âge d’or » du chemin, les
voyageurs préférant le sillon rhodanien. Par ailleurs, le climat devient plus
humide au XIVe
siècle. La voie, peu entretenue disparaît peu à peu.
Le chemin connaît un regain d’intérêt au XVIIIe
siècle jusqu’à la construction de la route nouvelle au XIXe
siècle.
Aujourd’hui, la route D906 et une partie du
tronçon du chemin de fer suivent de près cette voie ancienne. Les randonneurs
ont aujourd'hui remplacé les marchands et la Régordane est devenu depuis 2007
le GR 700 qui est balisé depuis Le Puy-en-Velay à Saint-Gilles-du-Gard.
Attention! la Régordane et le GR 700 ne suivent
pas le même chemin. Avec le GR 700, La fédération française de randonnée
pédestre (FFRP) lance sa propre version du Chemin de Régordane qui est adapté à
la marche en groupe et au vélo et donc perdra beaucoup en authenticité.
Ce chemin dit chemin de la Régordane ou chemin de Saint Gilles (GR700),
passe par la Haute-Loire, l'Ardèche, la Lozère et le Gard. Il traverse le
Massif Central et les Cévennes sur 242km en passant par Bizac, Costaros, La
Sauvetat, Pradelles, Langogne, Luc, La Bastide Puylaurent, Prévenchères, La Garde
Guérin, Villefort, St André Capcèze, Concoules, Génolhac, Chamborigaud, Portes,
Le Pradel, St Martin de Valgalgues, Alès, St Hilaire de Brethmas, Vézénobres,
Ners, Boucoiran, St Geniès de Malgoirès, La Rouvière, La Calmette, Nîmes,
Bouillargues, Garons et St Gilles.
GR700
Randonnée sur le GR700 Voie
Régordane ou Chemin de St Gilles de l'Auvergne au Languedoc
Le village de La
Bastide Puylaurent est traversé par le GR700 Voie Régordane, le tronçon
cévenol de l'ancienne route de France (entendez Ile-de-France) au bas
Languedoc. Cette voie très ancienne est née bien avant l'apparition de l'homme
après qu'une dislocation nord-sud avec charriage des plaques ait ouvert des
cols et, en particulier, le plus important d'entre eux, celui qui au sud de Villefort ouvre un
passage à basse altitude au travers d'une barrière de 60 kilomètres de long
formé par le Mont
Lozère et le chaînon du Mas de l'Aire.
La faille a été génératrice de sources nombreuses qui la jalonnent. Les
premiers animaux du monde l'ont instinctivement empruntée, de source en source,
de col en col, dans un mouvement spontané de transhumance.
L'homme a suivi les animaux, des millénaires plus tard, en créant une draille, une simple piste. Certains pensent, non sans raison, que des convois d'étain l'ont empruntée entre les ports phéniciens de Saint-Valéry-en-Caux, en Normandie, et de Saint-Gilles.
Les Romains l'ont sans doute suivie pour charrier les métaux qu'on extrayait
de part et d'autre dans des lieux dédiés au dieu du commerce et de l'industrie,
Mercoire, Mercoirol, Mercouly. Mais ce n'était pas encore un axe majeur comme
il le devint au Moyen Age, après le partage de l'Empire carolingien qui place
la vallée du Rhône dans l'Empire germanique et fait du Chemin de Régordane
l'itinéraire le plus oriental du Royaume.
C'est à cette époque (XIIe-XIIIe siècles) que le charroi se développe en
raison des progrès de l'attelage obtenus lorsqu'on réalise que c'est par leur
poids que tirent les animaux (comme l'homme, d'ailleurs) et non, comme on peut
le lire dans les manuels scolaires, en raison de la découverte de la traction
par les épaules que les égyptiens pratiquaient au temps de Toutankhamon,
quatorze siècles avant J.-C.
On trace alors la route sur les hauts plateaux du Thort, de la Molette et de
la Garde-Guérin en
Lozère. On la taille dans le schiste sur les versants des vallées de la Cèze.
Dans les villages, on bâtit des maisons sur de vastes entrepôts qui s'ouvrent
sur la grande rue par des portes en ogives dont on peut voir des vestiges à Génolhac dans le Gard. Des
véhicules, de petite taille et ne portant guère plus de 500 kilogrammes en
raison des matériaux employés pour les construire, y circulent.
Une chanson de geste, le Charroi de Nîmes, dans la seconde moitié du XIIe
siècle, évoque ce pays de Régordane où il y a "des chars et des charrettes
à profusion", char et charretes i a à grant planté (v.950).
S'il en est ainsi c'est qu'en cette période, le climat, semblable à
celui que nous connaissons, est favorable à la pousse des végétaux. Les
récoltes sont abondantes et que se créent des richesses qui doivent circuler.
C'est une époque prospère qui s'offre le luxe de bâtir des cathédrales que nous
serions bien en peine d'ébaucher. Sans le schiste, des charrettes à la voie de
1,40 mètre creusent des ornières par leur passage cent fois répété, comme ces
sabots de bois qui finissent par user la pierre du seuil de la maison.
Mais le climat change au XIVe siècle et devient froid et humide. La nourriture devient rare et la population affaiblie est réduite de moitié par la peste cependant que la guerre de Cent Ans dévaste le pays. Le charroi s'interrompt et la route se dégrade. Le Chemin de Régordane ne voit plus circuler que des convois de mulets dont certains, chargés d'argent ou de safran, sont dévalisés par les Routiers anglais.
Il faut attendre la fin du XVIIe siècle, et, sans doute, l'attention
que le Roi porte aux Cévennes protestantes, pour que le Chemin de Régordane
reprenne vie. La route est plusieurs fois aménagée, construite, détruite par
les eaux de ruissellement, réparée ou même reconstruite car, dans ces montagnes
offertes au Midi, les orages du début de l'automne ont tôt fait d'arracher la
grave, le tout-venant, dont on recouvre alors la chaussée.
La Côte de Bayard, entre Villefort et la Garde-Guérin, doit être rebâtie tous les dix ans. D'abord, elle s'élève à la verticale du village de Bayard, toute en lacets, comme une échelle précise le procès-verbal de visite. Au milieu du XVIIIe siècle, on abandonne ce chemin difficile, pour une route entièrement nouvelle qui prend en écharpe le versant qui retombe depuis la Cham Morte : c'est le vieux chemin qu'on emprunte encore aujourd'hui, bien délabré, avec un reste de pavé que certains disent "romain" bien qu'il ait été posé sous le Ier Empire !
Des charrettes, plus étroites que celles du Moyen Age, copiées sur celles du
Velay, roulent de nouveau sur le sentier de Régordane et y creusent des
ornières à la voie de 1,20 mètre.
Au cours du XIXe siècle, on construit la route actuelle, toute en courbes
(il y a peu de temps, nous avions compté 650 virages d'Alès à Pradelles en Haute-Loire)
pour adoucir les pentes et permettre aux chevaux des diligences de marcher au
trot. Nos puissantes voitures doivent s'en accommoder !
Au fil du temps, la route se déplace. Il reste des points fixes, des cols qu'on ne peut éviter. Mais entre ceux-ci, la route passe tantôt ici, tantôt là. Comme ces fils téléphoniques qui demeurent attachés aux isolateurs mais se balancent au gré du vent.
Cependant, cette route n'a pas été qu'une simple artère commerciale. Pendant
des siècles, elle draine les pèlerins qui, du "nord" descendent
vénérer le tombeau de saint Gilles dans son abbatiale provençale, au sud de
Nîmes. La littérature médiévale révèle l'importance de ce sanctuaire et la
place qu'il occupe dans celle-ci le désigne comme le premier pèlerinage de
notre pays.
Saint Gilles est loué comme le seul saint qui ne fait jamais défaut à celui qui l'invoque avec foi. On s'y presse donc, en si grand nombre que 134 changeurs de monnaie trouvent à subsister. A Saint-Gilles, on trouve aussi à s'embarquer vers Rome et Jérusalem, car c'est un port de mer florissant, sur le Petit Rhône, qui ne sera détrôné que par Aigues-Mortes, après 1240, en attendant que Marseille devienne française au XVe siècle. Si Saint-Gilles a été une étape sur une route de pèlerinage, c'est bien sur celle de la Terre Sainte, bien plus que sur celle de Compostelle car on ne connaît pas de Jacquaire qui se soit attardé sur le tombeau de l'ermite à la biche.
Enfin, cette route a un nom : c'est le Chemin de Régordane (c'est
l'expression par laquelle on le désigne dans les anciens documents ;
l'appellation impropre de Voie Régordane - pour faire "romain" -
n'apparaît qu'au XXe siècle). Elle tient ce nom du pays de Régordane qu'elle
traverse, tout comme le Chemin de Forez prend le sien des montagnes qui
l'entourent. Ce pays, et même cette province -provincia de Regordana en 1323
dans un acte du château de Portes-, correspondrait approximativement au
territoire qui s'étend entre les villes d'Alès en Cévennes, Chamborigaud,
Pradelles et Largentière.
Son nom, apparenté à gord, gourd, fréquent dans tout notre pays, désignerait
un pays de vallées profondes ce qui correspond bien à sa réalité physique.
Aussi, le Chemin de Régordane n'est désigné sous ce nom, dans les documents
consultés, qu'entre Luc et
Alès.
Voilà, l'histoire de ce chemin prestigieux qu'on ne peut résumer en quelques
lignes et qu'on trouvera développée ailleurs. Aujourd'hui la route est assoupie
depuis plus de cent ans, comme la Belle au Bois Dormant : Régordane n'a-t-il
pas été aussi un nom de femme !
Il vous appartient de devenir son prince charmant et de l'éveiller, suivez-la en étant attentif à ses vestiges, à la beauté des paysages qu'elle traverse et qui changent à mesure que, du Puy en Velay à Alès, on perd en altitude.
Guettez l'apparition des premiers châtaigniers sous la Garde-Guérin, des
chênes verts en abordant la vallée de la Cèze, des premiers ceps de vigne à
Vielvic, des oliviers en passant le col du Mas-Dieu, et bien d'autres choses
encore.
Soyez attentif à lire ses vestiges, ses ornières creusées dans le schiste, sa
Côte Bayard dont les murs de soutènement montés à pierre sèche résistent depuis
deux siècles, avec ses bouteroues (les ancêtres de nos glissières de sécurité)
et ses beaux restes de pavage.
Alors, prenez votre bâton, votre sac et partez à la découverte du Chemin de
Régordane. Texte préparé par Marcel
Girault, juillet 2000
Le Chemin de Régordane. Nîmes, Lacour, 3e éd. 1988.- Les passionnés d'histoire pourront lire la thèse que l'auteur a consacrée à cette route (Tours, 1980).
Le tronçon le plus intéressant du Chemin de Régordane se situe entre La
Bastide Puylaurent et Génolhac
(à découvrir dans ce sens). Pour parcourir cette route prestigieuse sans se
perdre, on pourra se référer au guide préparé par Marcel Girault, Le Chemin de
Régordane, Guide à l'usage des pèlerins de Saint-Gilles, des Régourdiers et
autres marcheurs, du Puy-en-Velay à Saint-Gilles du Gard. Nîmes, Lacour, 1998 :
description de l'itinéraire, cartes schématiques et notes.
Elle s'est endormie, ou plus précisément assoupie... La parcourir, c'est lui
redonner la vie car sa vocation, c'était le cheminement. Celui des marchands
arvernes et grecs. Celui des chevaliers, des pèlerins, des colporteurs. Des
jongleurs et des troubadours. Route du vin, des épices, du simple sel comme de
l'huile et des fromages. Mais aussi route "stratégique" de l'étain
vers la Méditerranée. De la chevalerie franque en marche contre les sarrasin.
Du moine en pèlerinage vers Saint Gilles et peut-être l'Orient. Un sentier d'étoiles dans la voie lactée du voyage que fut le Moyen-Âge.
Le voyage du prêtre Aulanier du Brignon sur le GR700 Voie Régordane au XVIIe
siècle.
16 november 1644 : de bon matin (départ) pour le voyage de Nisme en Languedoc
disner à Pradelles où despensé 16 sols ; à Pranlas un picotin pour ma cavale et
collation : 5 sols 6 deniers et souper et coucher à la Bastide, 23 sols.
17 november : partis à l'aube du jour de la Bastide, fus disner à Villefort au
logis des trois rois, despensé 17 sols 6 deniers ; collation et picotin à
Genolhac, 4 sols 6 deniers ; souper et coucher au Pradel chez le logis appelé
Fornier, despensé 19 sols 9 deniers.
18 november : parti du Pradel au lever du jour, l'Abbé Aulanier dîne à la Lège
d'Alais où il dépense 23 sols 3 deniers pour lui et son cheval ; il fait
collation et donne l'avoine à la Barraque de la Bitarelle où 9 sols 6 deniers
sont dépensés ; et enfin il arrive pour souper et coucher à Nismes ce qui lui
coûte 25 sols 9 deniers compris 2 sols au port.
P. Grelet de la Deyte, à la fin du XVIIe siècle, a fait deux voyages entre
le Puy et Montperlier:
« Jey fait deux voyages en la ville de Montpellier … savoir au mois de juin de
l'année 1681 et l'autre au mois de janvier 1692. Pour y aller il faut passer du
Puy à Bisac, à Costerot, à la Sauvetat, à Pradelles, à Langonhe, à Luc, à
Pranla, à Regletout, à la chapelle Saint Thomas, au Tord, à la Molete, à la
Garde Guérin, à Bayard, à Villefort, à Viluy, à Genoulhac, à Chamber Rigau, à
Porte, au Pradel, au Maviau, à Saint Martin, à la ville d'Allex, à la Taverne,
auquel lieu il faut passer la rivière du Gardon, à Ladinghan, à Crepian et à la
chapelle, à la ville de Soumiere, à Formaingnhe, au Pont Neuf et à Montpellier.
D'icy à Montpellier il y a environ 35 lieux. » PAYRARD, J.B. Petites éphémérides vellaviennes. 1889, Le Puy. "
Le livre de raison de Louis Jouve " dans Bulletin historique et
scientifique de l'Auvergne. Tome XXXIII, n°603, 1964.
Source : http://www.gr700-regordane.com/voie-regordane.htm